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"Consommateur" : quel vilain mot...

Attente des acheteurs en ligne - identification des comportements et conseils pour mieux les appréhender

Inventé par les économistes voilà un bien vilain mot qui s'est emparé du quotidien des entreprises et qui fait désormais partie du vocabulaire du commerce en général. "CON-SOMMATEUR"... abstraction faite de sa charge sémantique affligeante pour les acheteurs, ce terme a en plus une fâcheuse tendance à conditionner la façon dont nous percevons et traitons les gens. Voici pourquoi...

 

 

Le langage est l'un des outils les plus précieux que les êtres humains ont développé. C'est lui qui conditionne en grande partie notre structure sociale. Le développement avancé du langage chez l'homme serait, d'après les scientifiques, à l'origine de son ascension au sommet de la chaîne alimentaire. C'est grâce au langage que nous avons pu nous organiser et dominer notre environnement. Mais le langage est également devenu l'outil par excellence des humains pour se jauger entre-eux.

 

Les mots façonnent de manière importante nos valeurs.

 

Ce sont les mots que nous utilisons qui définissent les valeurs et les croyances de la société dans laquelle nous vivons. Les gens qui nous entourent se basent  sur notre accoutrement (quand ils nous voient), et sur notre vocabulaire quand nous nous adressons à eux (quand ils consultent nos sites). C'est ainsi qu'ils nous attribuent - à juste titre ou non d'ailleurs - une place dans leur sphère personnelle.

Prenez un entretien d'embauche par exemple. Au fond ce n'est rien d'autre qu'un test de langue tronqué destiné à identifier les compétences ou l'aptitude d'un candidat pour une fonction déterminée. A moins qu'il ne soit destiné à identifier un bon présentateur télé, l'entretien d'embauche est somme toute la pire méthode jamais inventée pour évaluer le potentiel d'un paquet d'autres métiers. C'est pourtant cette méthode qui est acceptée par tout le monde.

Pour faire simple : c'est avec des mots, que nous définissons toute chose qui nous entoure, que nous raisonnons, et que nous transmettons nos croyances aux autres. La langue imprègne l'ensemble de notre écosystème commercial, c'est elle qui conditionne le succès d'un produit, d'un site e-Commerce, d'une entreprise. Voilà donc pourquoi le vocabulaire employé par une entreprise a autant d'impact sur son développement, que les produits qu'elle propose à la vente - ces deux éléments sont des facteurs de succès indissociables.


Comme pour tout autre secteur d'industrie, les spécialistes du marketing ont bien entendu leur part de responsabilité dans la propagation de leur jargon au grand public. Mais le petit mot en question, celui qui est sans nul doute le plus laid c'est bien le mot "consommateur". Quelle curieuse façon de qualifier une personne ou un groupe de d'individus. Quelle vision primitive de l'Homme. A croire qu'il n'est qu'un organisme composé que d'un tube digestif relié à une énorme bouche avec deux rangées de dents acérées prêt à dévorer tout ce qui l'entoure. Quel mot bizarre pour faire référence à des individus qui ont des émotions, des rêves et des aspirations et qui les renvoie à leur condition de zombies du shopping.

Vous pensez que c'est un peu too much ? Passez en revue différentes définitions de ce mot tiré de quelques dictionnaires :

 

Consommer - du latin consumere

  • Détruire, user, anéantir
  • Manger, boire, absorber, (bouffer ?...)
  • Dépenser de l'argent
  • Épuiser et dénaturer par l'usage

 

Alors il se peut bien que le terme ait été introduit dans le jargon des entreprises afin de différencier l'acheteur de l'utilisateur final - comme le justifient désormais les spécialistes du marketing et les économistes - mais vous observerez que tous les professionnels avertis ont définitivement banni ce mot des réunions marketing.

 

Une nouvelle vision des relations

 

Les entreprises qui évoluent dans les nouvelles technologies, et dans le commerce électronique utilisent des mots tels que «communauté» pour définir le groupe de personnes à qui elles proposent leurs produits. Et dans ce domaine il faut reconnaître que les boutiques en ligne font mieux que leurs consœurs historiques pour ce qui est de la fidélisation. Les entreprises traditionnelles semblent avoir complètement oublié que le marketing est avant tout une affaire de relation.

 

On l'aura compris ce mot n'est pas dérangeant que pour une question de sémantique. Il a un impact stratégique sur la façon dont les entreprises vont à la rencontre des gens. Dès lors qu'on définit les personnes qui achètent nos produits de "consommateurs", le malaise s'installe. Il donne libre court à tout une série de comportements qui mènent à de mauvaises décisions commerciales. On bascule rapidement dans les considérations quantitatives qui orientent les marchands dans une voie ou seule la quête d'une expansion toujours plus importante de cet amas d'acheteurs sans visage compte. Le mot incite à l’édification d’une infrastructure pour servir la masse, et réduire les coûts. S'en suit l’engloutissement dans l'état d'esprit "d’abattage", nécessitant de vendre toujours plus, de baisser encore et encore les prix, et de conquérir ces fichus petits pourcentages de part de marché et accéder aux volumes pour survivre. Au bout du chemin se trouve inévitablement la mort de l'entreprise - celle provoquée par la dur loi de la consommation de masse.

 

Entrave à l'innovation

 

Qualifier les gens de "consommateurs" est une forme d'égocentrisme qui nous donne l'illusion de pouvoir les hypnotiser, de maîtriser en quelque sorte les raisons exactes pour lesquelles ils choisissent nos produits, et pas ceux de nos concurrents. Cette arrogance détourne notre attention et la focalise sur le produit en lui-même, alors que seul compte véritablement ce que les gens veulent en faire. En définissant les gens "d'absorbeurs", il devient bien plus difficile de trouver de nouvelles façons de répondre à leurs attentes. Comment peut-on véritablement prendre connaissance et comprendre les acheteurs en les figeant dans un rôle aussi grossier que celui d’utilisateur d'objets ?

Il existe évidemment des alternatives pour remplacer ce mot terrible. Une des options pourrait par exemple être "auditoire". Comme pour le public d'un concert qui n'est finalement qu'un groupe de personnes qui juge de nos performances. C'est l'auditoire qui décide qui mérite des applaudissements, et qui mérite les œufs pourries... et parfois les deux. Un auditoire est libre d'aller voir n'importe quel spectacle comme bon lui semble... ou décider de ne pas venir du tout. Si le spectacle était super, il n'arrêtera pas d'applaudir pour demander de prolonger la représentation en exigeant un rappel - comme il pourrait se contenter d'en parler juste à un ami ou deux.

  

Ce terme "auditoire" nous rappelle aussi qu'une fois sur scène il est temps de casser la baraque et d'offrir quelque chose d'extraordinaires aux gens pour qu'ils puissent s'extasier. Jouer en outre face à une armée de "zombies" suscite bien entendu des sentiments sensiblement différents.